Question bien difficile car, bien que d’apparence simple, le phénomène d’évaporation est en réalité assez complexe et surtout difficile à quantifier !
L’objectif de cet article est de passer en revue le processus d’évaporation et ses facteurs d’influence, puis de lister quelques méthodes de calcul et d’expliciter celle qui constitue la méthode recommandée par l’état de l’art, à savoir la méthode de la température d’équilibre.
Le processus d’évaporation
L’évaporation se produit lorsque l’eau passe de l’état liquide à l’état gazeux (vapeur d’eau). Elle est conditionnée par la disponibilité d’énergie à la surface de l’eau et par la facilité avec laquelle la vapeur d’eau est mélangée dans l’atmosphère.
La température du plan d’eau, représentative de l’agitation des molécules et donc de leur capacité à sortir du plan d’eau, est un facteur clé de la quantité d’eau liquide qui peut s’évaporer. Cette température est notamment liée aux apports de chaleur par rayonnement sur le plan d’eau : ondes courtes liés au rayonnement solaire direct, ondes longues lié au rayonnement thermique terrestre réfléchi vers le sol par l’atmosphère.
La pression de vapeur de l’eau dans l’air, représentative de la quantité de vapeur d’eau présente dans l’air, est également un facteur clé conditionnant la quantité de vapeur d’eau présente dans l’air et qui peut se condenser. On utilise généralement le taux d’humidité qui correspond au ratio de la pression de vapeur sur la pression de vapeur saturante, c’est-à-dire la valeur pour laquelle l’air est saturé en vapeur d’eau.
Enfin, l’évaporation est également fortement conditionnée par le brassage turbulent du vent, qui conduit à renouveler la masse d’air présente au-dessus du plan d’eau et qui deviendrait vite saturée en eau si elle n’était pas renouvelée, conduisant ainsi à un arrêt de l’évaporation nette.
Méthodes d’évaluation du phénomène
Du fait de la complexité du phénomène d’évaporation, les méthodes disponibles dans l’état de l’art pour évaluer la quantité d’eau évaporée au niveau d’un plan d’eau sont pour la plupart empiriques ou semi-empiriques. Elles reposent ainsi sur des paramètres dont les valeurs sont difficilement évaluables, si ce n’est en les calibrant sur des données de mesure. Même les méthodes à fondement physique présentent des paramètres ou des fonctions dont les valeurs ou expressions reposent sur des considérations statistiques.
Finch & Hall (2001) ont réalisé pour le compte de l’Agence de l’Environnement du Royaume-Uni un état de l’art des principales méthodes existantes pour quantifier l’évaporation d’un plan d’eau. Chaque méthode a été évaluée sur base d’une comparaison avec des données expérimentales collectées sur une période de 6 ans sur le site de Kempton Park près de Londres (figure ci-dessous). Il ressort de leur étude les conclusions suivantes :
- Parmi toutes les méthodes testées, la méthode de la température d’équilibre (décrite ci-dessous) est la plus précise. Elle aboutit à des valeurs présentant une incertitude inférieure à +/-10% pour l’évaporation annuelle et de l’ordre de +/-30% pour l’évaporation mensuelle. La force de cette méthode réside dans la prise en compte de la variation de stock de chaleur dans la retenue ainsi que dans l’estimation du rayonnement thermique quittant la retenue.
- La méthode de Penman conduit à des erreurs importantes (plutôt en surestimation) du fait qu’elle fait l’hypothèse que la température de surface du plan d’eau est égale à la température de l’air.
- La méthode de Penman-Monteith, qui introduit pourtant une correction pour la température de surface de l’eau, présente également des erreurs en général supérieures à 10%, plutôt dans le sens de la surestimation de l’évaporation.
Figure 1. Vue aérienne de Kempton Park près de Londres (source : Google Maps).
A côté de ces méthodes d’évaluation de l’évaporation dans les « plans d’eau » existe également une bibliographie relative à l’évaporation dans les « piscines ». Shah (2014) propose une synthèse et une comparaison des performances de différents modèles, parmi lesquels l’équation de Carrier ou encore l’équation de Smith. Dans la mesure où ces approches ne tiennent pas directement compte des rayonnements solaire et thermique, mais seulement de la température de l’eau, il convient lorsqu’elles sont mises en œuvre de calculer la température de l’eau en tenant compte de ces phénomènes.
La méthode de la température d’équilibre
Edinger et al (1968) ont introduit la notion de température d’équilibre d’un plan d’eau : sous l’effet des conditions météorologiques, la température du plan d’eau tend vers une température d’équilibre pour laquelle l’échange thermique net est nul. Le temps de convergence vers cette température d’équilibre n’est cependant pas instantané et peut représenter plusieurs jours, plusieurs jours pendant lesquels les conditions météorologiques changent, conduisant à la modification de l’équilibre qui tendait à s’établir et donc à la convergence vers une nouvelle température d’équilibre. La méthode dans la forme utilisée par Finch & Hall (2001) est décrite scientifiquement par De Bruin (1982), et opérationnellement dans l’annexe C de leur rapport.
Remarque : cette méthode ne tient pas compte d’une éventuelle stratification thermique qui peut être rencontrée dans les retenues présentant une certaine profondeur.
Les différentes étapes de la méthode sont les suivantes :
- Le plan d’eau est caractérisé par sa profondeur et par son albedo.
- La température du plan d’eau est connue au commencement du jour j.
- Les données météorologiques du jour j sont récupérées : température de l’air, pression atmosphérique, pression de vapeur (ou humidité de l’air), vitesse du vent, rayonnement solaire.
- Le rayonnement net sur le plan d’eau est calculé : le rayonnement solaire (ondes courtes) fait partie des données météorologiques, il est corrigé de l’albedo ; le rayonnement thermique est quant à lui estimé sur base des données météorologiques.
- Une fonction du vent est calculée pour quantifier le « brassage ».
- Un temps caractéristique de l’atteinte de la température d’équilibre est calculé.
- La température d’équilibre est calculée.
- La température du plan d’eau à la fin de la journée est calculée.
- La variation du stock d’énergie thermique dans le plan d’eau est calculée.
L’évaporation est alors calculée sur base de l’équation de Penman-Monteith (plus précise du fait des étapes antérieures que si elle était utilisée de façon brute).
Références
De Bruin H A R (1982). Temperature and energy balance of a water reservoir determined from standard weather data of a land station. J. Hydrol. 59, 261-274.
Edinger J E, Duttweiler D W, Geyer J C (1968). The response of water temperature to meteorological conditions. Water Resour. Res. 4, 1137-1143.
Finch J W, Hall R L (2001). Estimation of open water evaporation – A review of methods. R&D Technical Report W6-043/TR, UK Environment Agency.
Shah M M (2014). Methods for Calculation of Evaporation from Swimming Pools and Other Water Surfaces. ASHRAE Transactions, Volume 120, Part 2.